vendredi 29 septembre 2017

L'Arabie ne sera plus jamais comme avant

Le roi Salman vient de permettre aux femmes de conduire. Cette décision mondialement saluée est le résultat des luttes que mènent depuis des années les femmes courageuses d'Arabie.
Manal Al Sharif, l'une d'entre elles, est une jeune femme super diplômée qui travaillait à l’Aramco la compagnie arabo-américaine des pétroles. Un beau jour du mois de mai 2011, cette respectable veuve est sortie de chez elle au volant de sa voiture. Et sa vie a basculé. Arrêtée par la police elle est sermonnée avant d’être raccompagnée à son domicile. Quelques heures plus tard, elle est à nouveau interpellée et jetée en prison sur l'accusation d'avoir gravement troublé l’ordre public. Avant de la juger, les autorités exigent qu’elle fasse publiquement acte de contrition et de repentir sur Facebook où elle compte des mille et des milliers d’amies. La délinquante s’obstine, aggravant son cas de jour en jour. Les prédicateurs montent en épingle le fait divers. Leurs prêches enflamment les mosquées. Des gardes de la foi accusent Manal Al Sharif d’être une Matahari des chiites iraniens, d’autres prétendent qu’elle est au service des singes sionistes ou des incroyants. De toute évidence, Satan n’est pas loin, le procès en sorcellerie est à craindre. 
La presse traite l’Affaire à la une. La population est divisée, il y a les pro et les anti-Manal. Le roi hésite à se prononcer car la guerre civile menace la dynastie. Même les Américains et les Européens, habituellement empressés à voler au secours de la veuve opprimée, regardent leurs chaussures en se grattant l’oreille car l'Arabie Saoudite est le premier exportateur de pétrole et le premier importateur d’armes, ce qui mérite réflexion. Que la Jeanne d’Arc saoudienne se débrouille ! D’ailleurs, on a promis aux riches bédouins de ne jamais se mêler de leurs affaires. On ne va pas commencer à propos d'une bédouine !
Ils avaient tort, car ce fait divers était le premier battement d'ailes du papillon.

Sur le net, la criminelle « présumée innocente » qui a filmé son arrestation appelle toutes ses consoeurs du pays de l’or noir, à prendre le volant. Aucune loi ne l'interdit, on s'en aperçoit, mais c’est comme ça. Manal a bravé la non-loi au nom de laquelle Ubu l’a mis en prison. Son acte était révolutionnaire car il mettait en péril le socle (en arabe al quaïda) de l’idéologie intégriste wahhabite. Pour les salafistes, la seule et unique fonction de la femme est la reproduction. Point. Elle est soumise. Elle est objet. Jamais elle ne conduit, toujours elle suit. Dans la rue, elle marche derrière, en voiture elle ne saurait être devant. Elle doit dire oui, elle doit se taire et retenir ses non. A-t-elle une âme ? Un cœur ? Une raison ? Là n’est pas le sujet. Elle est mère, fille, sœur, épouse de l’homme son maître. Khalas. On ne la regarde pas, on ne lui dit pas madame car la muette ne répond pas. Au visiteur qui frappe à la porte, elle claque dans ses mains pour demander « qui est là ? et signifier de passer son chemin car son homme n’y est pas ». 
Elle n'a pas d’identité, pas de papiers, pas de photo dévoilée. Alors, un permis de conduire ! Vous n’y pensez pas ! Céder serait ouvrir la voie à toutes les extravagances ! Demain, au prétexte de canicule elle refusera de porter des gants noirs, puis, elle voudra montrer sa face, sa crinière, ses mamelles et son croupion…Quelle décadence ! Allah soit loué ne le permettra pas. Pourtant Manal est une Al Sharif, une descendante du prophète ! Sa révolte était-elle inspirée ?


Toujours est-il que ce 28 septembre 2017, après six années de résistance, le pouvoir a cédé. Saluons les femmes d'Arabie.

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