lundi 29 juillet 2013

Tunisie, le devoir d'ingérence de la France


Le 5 juillet au Bardo, François Hollande gravissait quatre à quatre les marches du perchoir de l’Assemblée Nationale Constituante de Tunisie. Geste sobre, paroles habiles, sourire complice, expression audacieuse : « La France sait qu’Islam et Démocratie sont compatibles » Ovation. Les députés se pressent pour lui serrer la main. Nombre d’entre eux sont des bi-citoyens. La France est leur seconde nation…

Trois semaines plus tard le député Mohamed Brahmi est assassiné…par un Français !

Car Boubaker ben Habib el Hakim, le désigné coupable est un parisien. Français de naissance, tunisien de parents.
Fabriqué, élevé, ensorcelé en France. El Hakim est un avatar de Merah. Le crime de Tunis est une réplique de Toulouse. El Hakim n’est pas plus tunisien que Merah n’était algérien. L’homme n’a jamais vécu sur le sol de ses ancêtres autrement qu’en touriste de passage. Il est en rien concerné par le devenir d’un pays auquel il a tourné le dos. Comme Merah, il n’est pas idéologue, ni partisan, il est sans cause et sans religion. El Hakim a lu le coran dans une langue étrangère ; il a tué Brahmi, un Hadj pendant le mois de ramadan ! C’est un terroriste multicarte, un mutant monstrueux de la République Française.
Boubaker et Mohamed sont frères de haine. Des paumés, des nini. Pas arabes, pas français. Incultes en tous genres. Ils ont grandi à l’école républicaine sans rien y apprendre. Ils ont voyagé sans observer ni comprendre. Qui leur a appris à tuer des enfants ou des représentants du peuple ? Qui leur a appris à tirer au 9mm ?

El Hakim est un « bon client » des services de renseignement. Fiché « terroriste » sa traçabilité ne  pose pas de problèmes aux spécialistes. Alors, il est stupéfiant que l’assassin de Belaïd et de Brahmi continue de se promener impunément depuis six mois. Le Tunisie n’est pas un pays de taiseux. Tous observent, tous rapportent, tout se sait. Il est surprenant que la police héritière de la dictature de « big brother »soit à ce point devenue incompétente ! Mais où donc se sont reconverti les barbouzes d’antan ? Ont-ils besoin de coopérants étrangers ? Ils n’ont qu’à demander, ils sont tous déjà sur place.
Car le Tunis de la post révolution ressemble à Casablanca sous l’occupation ; la ville fourmille d’espions et de comploteurs de toutes nationalités.

Les Américains sont sans doute les plus nombreux. Ils ont été victimes d’une attaque en règle de leur chancellerie, puis, ils ont perdu un ambassadeur dans la Libye voisine, alors on peut leur faire confiance pour avoir déployé des moyens d’information et de prévention à l’échelle de leur puissance.
Leurs alliés saoudiens sont aussi très infiltrés dans le paysage politique et ce n’est pas fortuitement qu’ils ont accueilli à bras ouverts l’ancien dictateur Ben Ali.
L’Italie qui a longtemps rêvé de coloniser la Tunisie détient des intérêts dans tous les secteurs. Rome a toujours su se montrer discrètement influente sur les rivages d’Hammamet et de Carthage.
Un autre pays historiquement très avisé est l’Algérie qui partage avec la petite Tunisie mille kilomètres de frontière poreuse.
La Russie, le Japon, l’Allemagne et l’Espagne tentent d’occuper les places  laissées « vacantes » après la révolution.
La Grande Bretagne, qui jadis donna l’asile aux militants d’Ennahdha boutés de France, cultivent les vertus du retour sur investissements. Les Libyens de toutes les tribus sont massivement présents, les Palestiniens sont seulement une poignée, mais parmi les meilleurs.
Quant aux Israéliens, depuis plus de trente ans ils se sentent en Tunisie comme chez eux ! Il est tout à fait singulier qu’après l’assassinat de Brahmi nul  n’ait avancé la thèse d’un complot du Mossad. C’est une première en pays arabe ! Les Tunisiens ont la mémoire courte, ils ont oublié le meurtre d’Abou Jihad et le raid sur la maison de Yasser Arafat.

Dans cette ambiance de guerre tiède, l’assassinat  d’un constituant par un binational est aussi un défi à la France. Après une trop longue période d’observation, Hollande a fini par miser sur le printemps du jasmin et sur la capacité des Tunisiens à faire émerger la première démocratie du monde arabe. Il s’est enfin positionné comme le protecteur du compromis entre les islamistes d’Ennahdha et les partis séculiers. Cette posture courageuse n’a pas été du goût de tout le monde. D’évidence, l’affirmation de sa doctrine sur la compatibilité islam/démocratie au lendemain du putsch du Caire est allée  à contre sens de la diplomatie d’Obama. Pareillement, le pouvoir algérien, toujours en guerre contre lui-même, n’a guère apprécié. Ces deux pays ont estimé que le comportement français était angélique et sans lendemains.
A Tel-Aviv, la formule de Hollande a été évaluée comme une menace sérieuse dont les perspectives étaient à combattre par tous les moyens. A Riyad, capitale du salafisme mondial, la monarchie saoudienne s’est sentie insultée par les propos du Chef français.  Enfin, et surtout, Ben Ali et ses dizaines de milliers de tontons macoutes revanchards ont hurlé à la trahison.

Lesquels de ces haineux ont envoyé le Français El Hakim tuer les députés tunisiens ? Car il s’agit bien d’un crime commandité que l’auteur « étranger »n’aura probablement jamais l’occasion  d’expliquer dans un prétoire. Il se pourrait qu’un jour l’Histoire révèle que ceux qui ont instrumentalisé Merah pour noircir la France sont les mêmes que ceux qui tentent de plonger la fragile Tunisie dans le chaos.
Pendant que  les théoriciens de la lutte contre le terrorisme tiennent de vains colloques dans toutes les capitales, la Maison Blanche s’est depuis longtemps arrogée le permis de tuer partout dans le monde. Suivant cet exemple, l’Elysée serait bien inspiré de proclamer un droit de suite sur ses ressortissants dévoyés et de s’ingérer dans la traque du tueur de Belaïd et Brahmi et de leurs commanditaires. Ce n’est pas seulement l’avenir de la démocratie tunisienne qui est en péril, mais aussi celui du devenir d’un espace commun de vie sur les rives nord de la méditerranée.

lundi 22 juillet 2013

La réplique de Trappes à Drancy ou la confusion des genres



« La République Française est laïque. L’État est séparé des religions »
Sur quels frontons faudrait-il graver ces vérités ?

Qu’est venu faire l’ambassadeur d’Israël à la mosquée de Drancy ? Le plénipotentiaire de l’État sioniste en France n’est pas musulman et ce serait le comble du comble qu’il  prétende représenter aussi la communauté musulmane de son pays ségrégationniste ?
De quoi s’est mêlé l’Imam autoproclamé de cette banlieue ? Sans doute était-il avide de parader dans les médias au prétexte très lucratif de prier pour la « réconciliation au Moyen Orient ».
Pendant le mois de ramadan, la mosquée est un lieu de communion réservé aux fidèles. Il ne saurait en France servir de rassemblement à des gesticulations diplomatiques.

Au pays de la fille aînée de l’église le saint mois d’abstinence du ramadan est devenu le prétexte à des agapes de politicards gastronomes. Imaginerait-on tenir un banquet dans la nef de Notre-Dame de Paris pour célébrer Pâques  en compagnie des ambassadeurs du Mali et de Mongolie ?
La posture de certains imams français est grotesque. Dans le cas de Drancy elle est également dangereuse pour la paix de la République. Loin de condamner ces pratiques irresponsables le gouvernement encourage  ces pantomimes d’inspirations israélo-tunisiennes.

Il faut reconnaître que la doctrine de l’État est confuse, elle se nourrit de débats en tenues confinées hors de la lumière de la réalité. Les musulmans sont les otages béats d’un mélange des genres. Ils paraissent exclus de la laïcité. Le gouvernement s’ingère dans les affaires de la mosquée. Il est complaisant envers les forts du moment et intransigeant vis-à-vis des faibles de toujours. C’est ainsi que les musulmans de France sont instrumentalisés par les représentants de leur pays d’origine que souvent ils ont fui. Le territoire français est maillé d’associations sous influences consulaires. 

En quête d’interlocuteurs et de relais du commerce extérieur, le ministère y consent de bonne grâce et encourage Riyad, Doha, Alger, Rabat, Tunis ou Bamako à coloniser la foi de citoyens dont la plupart sont des « bons Français  laïcs » (ce qui ne veut pas dire athées) depuis plus de trois générations ! La Place Beauvau, ministère des cultes peine à effacer les réflexes de l’ancienne Outre-Mer.
Pour la République, la séparation ne concerne que l’Église exclusivement. La communauté juive est adulée au gouvernement  et la posture de Hollande démontre une volonté systématique de câliner les musulmans dans le sens du poil. Ainsi, ses visites des lieux de prière lorsqu’il voyage officiellement en terre musulmane. A-t-on jamais vu Obama à la Grande Mosquée d’Alger ou Merkel à celle de Rabat ? 

En province, les élus et les collectivités locales emboîtent le pas. Les repas d’iftar du mois de ramadan prennent des allures de buffet de campagne électorale. Les Présidents des associations de musulmans se complaisent dans ce rôle de supplétif officiel et de fournisseurs sponsorisés des traiteurs hallal. Ces agapes sont  choquantes lorsque l’on sait que la rupture du jeûne est traditionnellement un moment de rassemblement et de recueillement dans l’intimité familiale. Imaginerait-on un gueuleton de Noël à la Sainte Chapelle en compagnie de deux  cents personnalités officielles?
C’est pourtant ce qui vient d’avoir lieu à la mosquée de Paris ! Le ministre de l’intérieur (et des cultes) est venu au nom du gouvernement saluer la communauté. Soit. Mais il ne s’est pas contenté de quelques dates et d’un verre de lait ! Repas complet s’il vous plait. Depuis l’harrira jusqu‘au thé à la menthe ! Plus un discours dithyrambique auquel ont répondu les autres « représentatifs » d’un clergé qui n’existe pas.
La Mosquée comme l’Église de France mérite une parfaite égalité de traitement : respect et indifférence de l’État.

Les violences de Trappes sonnent comme un avertissement en réponse à l’outrage de Drancy.
Trappes était une ville de cheminots résistants. Elle a été rasée pendant la guerre. Reconstruite de briques et de broc, elle a été longtemps une banlieue ouvrière « rouge » de Paris avant de devenir une rose cité-dortoir du tiers-état musulman des Yvelines. Car dans ce département chic de l’Ouest parisien, les immigrés n’ont  jamais été « intégrés » dans les logements sociaux de Versailles, Marly-le-roi, Rambouillet ou Saint-Germain…Alors, ils ont trouvé une niche dans la friche de Trappes, le long de la gare de triage et de la nationale.
Aujourd’hui, les nouveaux quartiers « en voie de résidentialisation » sont pimpants et les équipements collectifs généreux ; pourtant, à parcourir l’immense marché des Merisiers le samedi, il y a comme un malaise. On se sent ici comme chez soi. Comme là-bas….On est transplanté au Maghreb. D’évidence, Trappes est un lieu de ségrégation. L’absence de mixité raciale y est choquante.
A treize kilomètres de Trappes, le marché de Versailles est tout aussi décalé. C’est aussi un lieu de ségrégation mais d’une autre couleur.
Incongrue Versaillaise observée des pieds à la tête rue de la Paroisse : mocassin, socquettes, jupe longue plissée, chemisier boutonné jusqu’au col, cheveux en foulard, missel à la main, sourire crispé, regard lointain brillant…
Incongrue habitante de Trappes (Trappiste ?) vue avenue Henri Barbusse : sandales, chaussettes, drap noir de la tête aux chevilles, yeux et phalanges masquées…
Deux bigotes françaises. Aux dernières élections elles ont voté de façon inversement symétrique.
Les Versaillais et les Trappistes ne se rencontrent jamais. Ils vivent dans des mondes qui ne commercent pas.
Triste constat d’une France d’en haut qui ne croise plus celle d’en bas hors des souks de Tunis et de Marrakech ! La ville est à contre-sens de l’histoire. Elle n’est plus un lieu de partage mais de parcage !

Les citées musulmanes de la banlieue parisienne sont pauvres et fragiles. Elles sont vulnérables à toutes formes d’ingérences et de provocations. L’affaire de Drancy et sa réplique de Trappes sont l’exemple même de la déflagration en chaîne qui risque de conduire la France vers la guerre des intégrismes religieux.

jeudi 18 juillet 2013

Ramadan et Fourest, sodomie et islamophobie



Tariq Ramadan et Caroline Fourest ont en commun le talent de faire parler d’eux. Ils adorent la polémique et le contre-pied. Les journalistes en mal d’idées et le public français en mal d’agitateurs d’idées les adulent ou les exècrent. Ce couple infernal de la controverse professionnelle me fascine à l’insomnie.

Le frère Tariq vient de proclamer à Dakar : « il faut tenir le discours de la responsabilité et éviter de juger » Tout le monde a applaudi.
Puis il a ajouté…. « Et ce n’est pas parce qu’on est homosexuel  qu’on n’est pas musulman ! »
La déclaration a fait l’effet d’une bombe à fragmentation.
L’auditoire est resté sans voix. Le référent de la pensée musulmane européenne venait de tenir ces propos en plein mois de ramadan. Alors dans l’immense salle, un beau jeune homme s’est levé pour crier « ramadan je t’aime ! ».
Il n’a pas été inquiété car il parlait du jeûne bien sur !

L’homosexualité masculine en Islam est un interdit absolu passible de la circoncision au sabre en place publique. Dans tous les pays à législation chariatique la sodomie est l’abomination suprême. Pour les intégristes de tous poils, la pédérastie doit être génocidée ; c’est pourquoi en terre d’Islam son apparence ou sa suspicion est marginalisée à coups de bastons. Chez les moustachus d’Algérie et de Turquie elle est totalement niée : « Ahh…chez nous y’a pas de pédés ! »
Pourtant,  si tout le monde le cache, nul n’ignore que les ouailles musulmanes comptent en proportion tout autant de « déviants » que les juifs, les coiffeurs et les joueurs de football ! (je connais un coiffeur juif qui joue au foot de fort belle manière). Il est même une petite monarchie pétrolière que les diplomates nomment ironiquement « la pédocratie », où la plupart des ministres sont passés par le lit du souverain et où dans les soirées festives on consomme à l’abri de paravents des petits garçons poudrés importés d’Asie.
En matière de tourisme sexuel, la notoriété de l’Egypte et de la Tunisie n’est plus à faire. Déjà, sous la colonisation on y trouvait des bordels unisexes de grande réputation.
Les Tunisiens sont hostiles à la tartufferie. Mon éloigné parent le célèbre et talentueux chanteur Ali Riahi, petit-fils du vénéré saint Sidi Brahim, se promenait maquillé et en tenue rose fuchsia sans jamais essuyer les quolibets des promeneurs de l’avenue Bourguiba. Au Caire, l’inamovible dernier ministre de la culture de Moubarak ignorait les insultes et les menaces des frères musulmans, il s’amusait en sortant accompagné d’une garde du corps à la poitrine dissuasive.

Tariq Ramadan en deux phrases a balayé quatorze siècles d’hypocrisie. Qu’il en soit remercié.

Caroline Fourest est homosexuelle ; enfin je crois car elle a une compagne sous son toit. (Mais ça ne veut rien dire ; j’ai moi-même partagé au temps des vaches maigres la litière d’infortune d’un camarade qu’aucune appétence réciproque n’est jamais venue égayer).
La pamphlétaire fait commerce d’idées comme d’autres vendent de la soupe en sachet ou du dentifrice. Elle pratique le marketing du faire valoir. Marine le Pen, Tariq Ramadan sont des bonnes enseignes pour écouler sa marchandise. Il faut reconnaître que le procédé est habile car au plan politique Fourest est (encore) une naine et au plan universitaire, sa notoriété ne dépasse pas (encore) le café de Flore. Mais c’est une ambitieuse qui occupera peut-être un jour la place de BHL ou de Tapie, ou bien les deux !
Son dernier combat est celui des Femen  dont les méthodes radicales interpellent et le discours sulfureux dérange. Qui est le marionnettiste des Femen ? On ne le saura probablement jamais. Afficher les attributs de son sexe, c’est grossier, insulter l’islam c’est vulgaire. Pour autant et en attendant de juger si la fin justifie les moyens, il convient de se demander si la cause des Femen est juste.
Assurément si l’on prend l’exemple de celle d’Amina, première innocente prisonnière politique du printemps arabe. Madame Caroline est monté au créneau avec son porte-voix. Amina monopolise son blog, ses tweets, sa parole sur Inter. Qui pourrait l’en blâmer?L’émancipation, l’égalité, la parité, autant de batailles incessantes à mener pour conserver ou gagner le droit de la femme à être l’égale de l’homme.

Par son action et son combat en ligne pour faire libérer Amina, il faut saluer  Fourest, même si on méprise le reste.

Si les intellectuels, grands ou modestes comme frère Tariq et dame Caroline se rejoignent dans la lucidité d’une lutte contre les intégrismes et les phobies sociales, alors l’utopie est à portée de nos indignations.
Louange au grand Alexandre Vialatte pour conclure:

« …et c’est ainsi qu’Allah est grand ! »